EXIT MALI – Réflexions sur l’opération MINUSMA de la Bundeswehr au Mali

Compte rendu de la réunion d’information du 25 septembre 2020 à Berlin

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Introduction

Un représentant du Centre d’information sur la militarisation (Informationsstelle Militarisierung, IMI) et un représentant de la Société de recherche sur les réfugié•s et les migrations (Forschungsgesellschaft Flucht und Migration, FFM) s’entretiennent sur les origines, les effets et les motivations de la mission de la Bundeswehr au Mali, qui est prolongée chaque année. Tous se sont entendus sur la nécessité de mettre fin à la mission militaire internationale MINUSMA et à la mission de formation de la police EUTM. Un enregistrement audio de la rencontre est disponible sur freie-radios.net.

L’initiative contre le régime des frontières de l’UE cite des politiciens de haut rang de la RFA qui soutiennent des interventions militaires impérialistes agressives. Leurs motivations sont entre autres : le maintient des relations commerciales extérieures et du libre-échange.

« Depuis 2013, la Bundeswehr est active au Mali avec environ 1 100 soldats […] le pays n’est pas pacifié, […] mais de plus en plus militarisé. » Initiative contre le régime des frontières de l’UE

La ministre de la défense Annegret Kramp-Karrenbauer dans le Süddeutsche Zeitung du 06.11.2019 : « La République fédérale d’Allemagne dépend du libre-échange comme aucun autre pays, ce sur la base de règles et de l’existence de voies commerciales ouvertes. »

Dans une interview accordée à la Deutschlandradio Kultur le 22.05.2010, le président fédéral de l’époque, Horst Köhler, estime  « […] qu’un pays de cette taille, orienté vers le commerce extérieur et dépendant de ce dernier doit en cas de doute, en cas d’urgence, pouvoir compter sur une action militaire pour protéger nos intérêts, notamment en sécurisant les routes de libre-échange, en prévenant les instabilités régionales […]. »

« Nous devrions nous mobiliser contre l’intervention de la Bundeswehr, l’impérialisme allemand et européen au Mali… »
(IMI)

Les interventions à l’étranger deviennent la norme

Christoph Marischka a donné un bref aperçu de la politique militaire de l’Europe et en particulier de l’Allemagne à l’étranger, notamment en Afrique du Nord. Il mentionne les objectifs stratégiques officiels de la République fédérale et de la Bundeswehr et donne de nombreux exemples de la manière dont ces objectifs sont poursuivis. Depuis 1999, l’Allemagne participe à des guerres à l’étranger non seulement avec des armes et des capitaux, mais aussi avec ses propres troupes.

En 1999, l’UE a formulé une politique étrangère et militaire commune (« Une Europe sûre dans un monde meilleur »). Les premières missions militaires européennes ont débuté en 2003. Les interventions militaires en République démocratique du Congo, en République centrafricaine, au Tchad et en Guinée-Bissau en sont des exemples.

Les premières missions militaires étaient essentiellement des missions d’exercice, car une puissance militaire a besoin de missions pour se perfectionner et faire ses preuves. Presque toutes ces missions ont eu lieu sur le continent africain.

« Les opérations militaires indépendantes de l’UE, la « politique indépendante de défense de l’UE » ont choisi ce continent. En partie parce qu’il n’y existe pas d’adversaire stratégique de la qualité de la Russie ou de la Chine ».

L’argument de l’« État défaillant » comme prétexte

À partir de 2003, l’UE a échafaudé un concept d’intervention global sous le mot d’ordre « une Europe sûre dans un monde meilleur ». Les conflits militaires bilatéraux ne sont plus la préoccupation principale des stratèges militaires, il s’agit davantage d’intervenir et d’attaquer là où l’on craint un« État défaillant ». Le modèle de « l’État » est ce faisant le modèle européen. L’objectif est d’empêcher la prolifération des armes de destruction massive, les migrations, de combattre le terrorisme, etc. Autant de menaces dont l’Europe doit se défendre dans son propre intérêt.

« […] après deux guerres mondiales provoquées et perdues, l’Allemagne n’avait pas d’armée du tout et n’a pu la reconstruire que de façon très limitée dans le cadre de l’OTAN. La Bundeswehr n’était pas autorisée à fournir un soutien logistique aérien ou à amener des troupes en Afrique de l’Ouest ou en Afghanistan ». (IMI)

L’approche visant à créer un État de type européen, notamment dans les États du Sahel, est absurde, ne serait-ce que parce que ces États ont une superficie deux à quatre fois supérieure à celle de la République fédérale d’Allemagne, que leur population représente environ un quart de celle de la République fédérale et que le produit intérieur brut des États concernés est 300 fois inférieur à celui de la République fédérale d’Allemagne.

La frontière allemande au Sahel

La migration et le commerce passent par la région du Sahel. Frontex et d’autres programmes européens ne fonctionnent plus comme des agences de protection des frontières, mais analysent et bloquent les possibilités de mouvement. Pour le public européen, l’externalisation des frontières n’est plus scandaleuse.

« Il est donc relativement évident qu’une telle forme d’État [européen] est difficilement réalisable dans ces pays [du Sahel] et surtout qu’elle ne peut être financée. … Cette idée d’une présence militaire globale qui … peut assurer la sécurité est … folle. Et les frontières qui traversent le désert dans les régions les plus reculées, comment les contrôle-t-on? »

Source : A New Geography of European Power? Egmont Paper 42; James Rogers; 2013; https://www.egmontinstitute.be/content/uploads/2013/09/ep42.pdf

Concurrences géostratégiques : la mise en place d’une « autonomie stratégique »

La concurrence entre les blocs de pouvoir, en particulier les États-Unis, la Chine et l’Europe, avec en tête la France et l’Allemagne, joue également un rôle.

Depuis 2010, au plus tard depuis 2014, le concept d’« autonomie stratégique » joue un rôle. Les géostratèges ont défini une zone appelée « Grand Area », qui comprend toutes les matières premières et les routes commerciales stratégiques, en tenant compte des bases militaires françaises existantes.

Source : https://minusma.unmissions.org/sites/default/files/s_2020_952_e.pdf

L’escalade de la violence – dans l’intérêt de l’Europe ?

2011 a été une année importante pour l’Afrique du Nord. L’OTAN a bombardé la Libye et a tué ou déposé ses dirigeants. La France a également fait pression pour un changement de régime en Côte d’Ivoire, et le Sud-Soudan a fait sécession du Soudan. La déstabilisation ultérieure de la région du Sahel était prévisible et considérée comme un dégât collatéral acceptable.

Déjà en 2010, l’État malien, soutenu par l’Union européenne, a tenté de rétablir la présence des structures exécutives dans le nord du Mali (postes de police et militaires et une prison). L’UE y a encouragé la construction d’un État, ce qui a encore aggravé les conflits existants, les Touareg cherchant à obtenir leur autonomie.

L’intervention de l’armée française au début de 2013 n’a pas été préparée au dernier moment et était au moins coordonnée avec l’Allemagne. Les « capacités technologiques à haute valeur ajoutée » (reconnaissance, structure de commandement, structure de communication, logistique) pour MINUSMA sont fournies par la Bundeswehr. L’Allemagne a notamment pris en charge le soutien aérien stratégique nécessaire (approvisionnement, évacuation, ravitaillement en vol des avions de chasse).

Source : https://africacenter.org/spotlight/review-regional-security-efforts-sahel/

Consolidation militaire de l’UE au Sahel

La Mission européenne de formation (EUTM): Avec jusqu’à 450 soldats, la Bundeswehr est largement impliquée dans la mission européenne de formation (EUTM). Début 2020, le programme EUTM a été étendu à la Mauritanie, au Niger, au Tchad et au Burkina Faso. Ces États du Sahel, dits du G5, devraient maintenant former une force d’intervention conjointe, qui combattrait sous le commandement et le soutien aérien de la France plutôt que sous le contrôle des autres États présents.

La mission de soutien aux capacités de sécurité intérieure maliennes (EUCAP Sahel Mali) : La police, la gendarmerie et les gardes-frontières ont également pour fonction de bloquer les voies de migration.

L’armée de l’air exploite de plus en plus de bases militaires dans les États du Sahel. L’approvisionnement des unités de la Bundeswehr allemande et des troupes antiterroristes françaises est assuré par une nouvelle base aérienne franco-allemande à Niamey (Niger). En outre, l’utilisation de la base aérienne allemande près de Dakar (Sénégal) a été pérennisée.

La Société de recherche sur les réfugié•s et la migration (FFM) analyse les contextes sociaux des migrations et les interactions entre la militarisation du Mali promue par l’UE et les mouvements sociaux locaux. Vers l’an 2000, la position de l’UE était d’établir un cordon de sécurité dans son environnement méridional, qui rendrait la Méditerranée sûre et établirait une relation entre un centre européen et les États périphériques d’Afrique du Nord.

« L’opposition qui est souvent faite entre la MINUSMA [qui garantit l’accord de paix] et les méchants Français, … c’est là que leur guerre anti-terroriste post-coloniale ou recoloniale est menée – ne tient pas debout. » (IMI)

« Le cordon de sécurité de l’Europe a été rompu. » (FFM)

Cette défense de l’UE contre les migrations est devenue obsolète en 2011 en raison des printemps arabes et du bombardement de la Libye. D’une part, les printemps arabes ont provoqué des migrations. En outre, le bombardement de la Libye a eu pour effet de rendre la migration vers ce pays de plus en plus difficile et de contraindre les migrants résidant en Libye à se rendre en Europe. Les soulèvements et les réponses militaires qui leur ont été apportées ont accru la motivation des migrations par-delà les mers.

Armement des autorités locales

Le nouveau centre de la police des frontières nigérienne dans la capitale Niamey, qui a ouvert ses portes en septembre 2020, a été financé par les États-Unis et équipé par l’UE d’équipements électroniques, de logiciels et de matériel de détection et de bases de données.

Cérémonie d’ouverture du centre de la police des frontières nigérienne le 15.09.2020

La situation après le coup d’État à Bamako

Le chef du coup d’État, Goita, a demandé conseil à l’ancien président Moussa Traoré peu après le coup d’État. Sous son mandat, de 1968 à 1991, le Mali s’est ouvert à l’Occident. L’actuel président intérimaire Bah Ndaw était un proche confident de Traoré. Traoré est décédé en septembre 2020.

Sur la géographie et la situation politique au Mali

Le Mali est une entité extrêmement hétérogène. Bamako, avec environ 2 millions d’habitants, est située loin dans le sud-ouest, le Mali compte au total environ 20 millions d’habitants. Le nord est très peu peuplé (entre autres par les Touaregs). Dans le centre du Mali, notamment dans la région de Mopti, des émeutes ont lieu actuellement, que l’on impute au djihadisme. La plupart des institutions de l’État se sont retirées à Bamako ou dans les capitales de province, de sorte qu’elles ne sont pas représentées dans les campagnes.

Source : https://africacenter.org/spotlight/review-regional-security-efforts-sahel/

Les ONG étrangères à la tête du pays

Il y a une sorte de double domination au Mali, surtout depuis les famines des années 1970, car depuis lors, beaucoup d’ONG sont présentes et siègent dans les ministères en qualité de conseillères. C’est un problème démocratique d’une part, mais surtout il a conduit à un dualisme entre les ONG et les représentants maliens, ce qui établit une forme spécifique de gouvernance.

L’État est l’une des nombreuses forces concurrentes (djihadistes, milices ethnicisées, militaires maliens, troupes internationales) aux frontières des pays du Sahel. Le coup d’État ne changera rien à cette situation. Ces forces ont des intérêts économiques sinon politiques dans le contrôle des frontières.

« La question se pose de savoir si l’organisation de ces espaces de violence est acceptable en tant qu’état de fait permanent pour la situation européenne. » (FFM)

« L’UE a besoin … d’États militarisés dans Sahel qui ferment leurs frontières. L’objectif est de pénétrer militairement toute la zone ». (FFM)>

La guerre comme source permanente de revenus

  • L’armée et la politique maliennes n’ont aucun intérêt à mettre fin à la guerre. Dans le nord du Mali, les pourparlers de paix sont bloqués, notamment parce que l’État a intérêt à perpétuer la guerre, qui lui apporte des ressources financières.
  • Les États voisins n’ont pas non plus intérêt à mettre fin à la guerre, car ils vendent des prestations militaires, principalement par le biais de la rémunération du personnel militaire mobilisé (G5 et MINUSMA).
  • A Bamako, certaines familles gagnent de l’argent grâce à la guerre en envoyant leurs membres à l’armée ou à l’une des ONG.

MINUSMA crée ainsi des emplois. En outre, MINUSMA transporte de l’essence et du diesel, et l’approvisionnement en carburant est un facteur clé dans l’acceptation de MINUSMA.

La valorisation capitaliste du pays comme source de troubles ?

L’insécurité et les déplacements forcés entraînent l’abandon des terres, en particulier dans les campagnes. La population paysanne (par exemple, les Dogons) et les Peuls (éleveurs de bétail) sont déplacés, vivent dans des camps de réfugiés, les terres sont abandonnées et deviennent disponibles pour créer des fermes d’élevage ou de nouvelles mines d’or. La guerre est donc un moyen de valoriser la terre, car les personnes déplacées ne peuvent plus revendiquer leurs droits de propriété. L’agriculture doit s’adapter aux principes du capitalisme.

Exemple: Extension de l’Office du Niger1

Les villages existants sont de plus en plus coincés entre l’extension du désert au nord et l’agriculture au sud. Les terres de l’Office du Niger sont en grande partie cultivées par des associations familiales d’agriculteurs. Les revenus de la culture de rente sur les terres irriguées suffisent à peine à les faire vivre. Dans le même temps, l’État favorise les grandes entreprises agroalimentaires telles que la culture du sucre ou la production de biodiesel. Cela entraîne, directement ou non, des déplacements forcés.

Un autre exemple de déplacement forcé concerne la région de Mopti. Les villages réduisent leur surface parce qu’ils ont peur des milices et ne cultivent que dans les environs immédiats.

« … lorsqu’on parle de djihadistes, il s’agit de … bandes de jeunes manipulés sous la direction de dirigeants djihadistes éprouvés, dont certains viennent d’Algérie ».

Il s’agit souvent de jeunes dont les familles étaient elles-mêmes à la merci de ces situations violentes et qui rejoignent les milices pour des questions d’honneur ou se venger. Le blocage des migrations joue également un rôle dans ce domaine. La population du Mali est très jeune. La migration de ces jeunes a toujours eu lieu, dans les années 1960 vers la Côte d’Ivoire, dans les années 1990 et 2000 vers la Libye, vers la capitale Bamako sinon les villes de province. À défauts d’autres possibilités, les milices sont aujourd’hui pour eux une alternative. Ce ne sont généralement pas des djihadistes qui se consacrent à la lutte religieuse. Les jeunes hommes, souvent, ne sont pas particulièrement religieux, ils font cela pendant un certain temps, gagnent un peu d’argent et acquièrent de l’expérience, puis retournent dans leurs villages. Les milices sont ethnicisées, les jeunes Peuls ont tendance à rejoindre les milices djihadistes. Les jeunes paysans Dogons ont tendance à se battre dans des milices ethniques.

Dans les villages traditionnels, un paternalisme strict (domination des hommes sur les femmes, primauté de la tradition familiale) existait encore il y a 20 ans. Le départ des jeunes de ces villages est un facteur essentiel de changement. La migration traditionnelle a signifié et signifie encore des transferts d’argent et l’apport de nouvelles expériences.

Le Mali est une société très mobile, or la mobilité est actuellement très limitée. Cette restriction génère des conflits sociaux dans un espace confiné, ce qui contribue à la violence.

« Où ces jeunes peuvent-ils aller ? Est-il possible d’acquérir de l’expérience, de gagner de l’argent pendant un certain temps… et d’échapper à ces structures patriarcales ? Cela ne vaut pas seulement pour les jeunes hommes, mais aussi pour les jeunes femmes. » (FFM)

« S’il y a maintenant un moyen de faire face à cette situation de violence … il me semble que le plus important … est de faciliter cette migration, d’ouvrir les frontières … et de ne pas encourager cette violence avec encore plus de militaires. » (FFM)

Extraits de la série de questions suivante

Quelles perspectives politiques voyez-vous pour le Mali ?

FFM : Il existe différentes perspectives au niveau régional et entre les classes et les populations du Mali. Autour et dans la capitale Bamako, il existe une „couche politiquement proche“ relativement petite qui ne représente aucune position représentative. Cette classe recherche des revenus et navigue entre les emplois gouvernementaux et les ONG. Il est incapable de construire un consensus national.

Dans la périphérie, qui est habitée par la majorité de la population malienne, de larges pans de la population sont en résistance contre les autorités de l’État, qui leur font face principalement en tant que maires, percepteurs d’impôts et forces de sécurité corrompus. Une solution aux multiples conflits n’est pas possible par le biais de l’État et de l’armée – si elle l’est, alors par la démilitarisation, les solutions locales négociées et la liberté de mouvement. Mais de nombreux intérêts s’y opposent, notamment les intérêts de l’UE.

Quels autres exemples d’intervention militaire de l’Allemagne ou d’autres États de l’UE voyez-vous ?

IMI : Dans la région des Grands Lacs en Afrique, la motivation est la présence de matières premières stratégiques. Le Mali est plutôt considéré comme l'“arrière-cour“ de l’UE ou de l’Allemagne. Les troupes allemandes ou françaises elles-mêmes constituent un autre motif d’opérations militaires prolongées. Ils ont intérêt à perpétuer les opérations afin de prévenir le sentiment et la révélation d’une perte de contrôle dans la région.

Comment évaluez-vous la situation militaire après le coup d’État du 18 août ? Est-il vrai que sous le conseil militaire, davantage de mesures sont prises contre les groupes djihadistes du nord ?2

IMI : L’IMI ne dispose pas actuellement d’une évaluation solide. Le ton des voix des putschistes est de bon augure pour „l’unité du pays“ et le „partenariat avec la France et l’UE“. La capacité d’action, en particulier la capacité militaire d’agir dans le cadre de projets offensifs contre les milices djihadistes dans le nord reste douteuse compte tenu des conditions géographiques, entre autres. Le Conseil militaire n’a jusqu’à présent montré aucun signe de négociation ou de réconciliation avec les parties au conflit.

FFM : C’est formidable de voir l’AEI s’exprimer. La FFM est préoccupée par le fait que l’armée malienne ne peut pas représenter les intérêts des populations des Etats du Sahel. La MINUSMA finance les armées du Mali, du Niger, du Tchad et la classe politique de Bamako. La MINUSMA et certaines classes politiques provoquent la fermeture des frontières. Cependant, les États de la CEDEAO dans leur ensemble ont un intérêt à ce que les migrations et les routes commerciales soient libres. À cet égard, il devrait y avoir un conflit d’intérêts entre le conseil militaire et la MINUSMA d’une part et la majorité de la population d’autre part. La FFM ne voit pas l’intérêt du conseil militaire dans les négociations au nord du Mali. Les recommandations d’action actuelles dépassent la compétence de la FFM.

Comment voyez-vous les perspectives des gens au Mali et les conséquences si le MINUSMA quittait le Mali ?

IMI : Je ne peux pas finir MINUSMA. Mais j’exige que la Bundeswehr soit retirée. Je crois que dans un Mali moins militarisé, on a plus de chances d’entendre „la voix des autres“. Pour l’instant, seuls les groupes armés et le M5-RFP s’articulent. Une comparaison avec l’Afghanistan est possible. Là-bas, après 20 ans d’intervention militaire avec un énorme engagement de personnel et d’argent, rien ne s’est amélioré. Les Talibans se sont renforcés, la culture de l’opium s’est développée, la situation sécuritaire (dans la région) est catastrophique. Ce n’est que récemment qu’il y a eu de légères améliorations – grâce à des négociations.

FFM : La MINUSMA devrait être supprimée, car l’inclusion de la population et la fermeture des frontières ne sont dans l’intérêt d’aucun des groupes de population au Mali.

Initiative contre le régime frontalier de l’UE: La MINUSMA n’a pas officiellement vocation à protéger la population, mais est censée protéger les militaires maliens. Référence à la déclaration du journaliste nigérian Moussa Tchangari: La population a deux problèmes – les gouvernements corrompus et les militaires étrangers qui les soutiennent.

FFM: Sans la Forteresse Europe, MINUSMA n’aurait pas existé. Nous devrions démanteler la forteresse Europe et permettre la migration.

Quels sont les intérêts économiques (autres que la militarisation de la région) des gouvernements de l’Allemagne et des autres États ?

IMI: Se réfère à l’illustration de l’Institut Egmont  «Grand Area ». Il s’agit également de la « politique de contrôle » générale dans la région. L’impérialisme visent également à maintenir les autres puissances hors de la région. Il y a des matières premières stratégiques dans toute la région: L’or, les terres rares, l’uranium. Bien que l’extraction de l’uranium dans la région ait fortement diminué et que les prix aient baissé, l’uranium reste (pour la France) une matière première stratégique de premier ordre. Il s’agit d’un  «pot-pourri d’intérêts ». L’un des exemples est Desertec, une fondation dont l’objectif est d’acquérir des fonds pour de très grandes centrales solaires.

FFM: Le capitalisme a besoin d’or, d’uranium, etc. Mais il n’a pas besoin de la majorité des gens. Il s’agit moins d’une définition économique de l’impérialisme que de l’impérialisme en tant que machine à tuer.

Contribution d’un représentant de l’AEI: Les réflexions sur les intérêts respectifs doivent être communiquées aux populations du Sahel et du Mali, car il est important que les opinions des personnes concernées soient prises au sérieux. Par exemple, la fonction de MINUSMA en tant que soutien nécessaire à l’opération Barkhane est largement inconnue dans la région. L’effort d’entamer une discussion transnationale sur ce sujet peut valoir la peine. Les protestations transnationales contre les expulsions d’Europe vers les États du Sahel ont été couronnées de succès dans le passé.

Liens supplémentaires

Pour écouter (extraits): freie-radios.net

Initiative contre le régime des frontières de l’UE en Afrique: https://grenzfall.blackblogs.org/

Centre d’information sur la militarisation e.V.: https://www.imi-online.de/

Société de recherche sur les réfugié•s et les migrations: https://ffm-online.org/

Pour continuer à lire: Portail d’information sur le contrôle des migrations: https://migration-control.info/

Berlin, novembre 2020


  1. Grand projet d’irrigation colonial dans les années 1930.↩︎

  2. Question d’un représentant du Mali-AG d’Afrique-Europe-Interact (AEI).↩︎